Qui donc connaît les flux et reflux réciproques
de l'infiniment grand et de l'infiniment petit,
le retentissement des causes dans les précipices de l'être,
et les avalanches de la création ?
(Victor Hugo, Les Misérables)

samedi 6 décembre 2014

La Science et l'Impossible. Billet N° 11

J'ai eu la chance d'assister le 22 novembre dernier, dans le Grand Auditorium de la Bibliothèque Nationale de France, à une suite d'exposés portant sur les rapports entre la Science et l'Impossible. Exposés présentés dans le cadre de la 14 ème Rencontre "Physique et Interrogations fondamentales", organisée par la Société Française de Physique et la BNF. J'avais été informé de cet évènement par l'intermédiaire de l'AEIS.

La Rencontre a traité des rapports entre science et impossible, sous plusieurs angles. Deux volets me paraissent pouvoir structurer cette diversité ; pour reprendre un passage de l'exposé d'Etienne Klein, la distinction entre ces deux volets s'inscrit dans la capacité conjointe des sciences (et des techniques) à 1) fermer des portes considérées à priori comme (des ouvertures) possibles et 2) ouvrir des portes qui paraissaient condamnées. 
  1. fermer des portes, poser des impossibilités. C'est là peut être le rôle spécifique de la science, en tout cas de la physique ; je rangerai dans ce premier volet les exposés du physicien Etienne Klein, du mathématicien Jean Paul Delahaye, de l'astrophysicien (et passionné de Science Fiction) Roland Lehoucq, et, avec quelques hésitations, l'exposé du physicien Gilles Cohen-Tannoudji.
  2. ouvrir des portes, dégager  des possibles, passer du possible au réalisé. C'est aussi le rôle de la science et de son exploitation dans la technique ; je rangerai dans ce second volet les exposés du physicien (et prix Nobel) Serge Haroche, du biochimiste et généticien Philippe Marlière, de l'astrophysicien (et spécialiste de l'exploration du système solaire), Francis Rocard.
Ce billet N° 11 n'a pas pour objectif d'être un résumé exhaustif. J'espère d'ailleurs que les exposés seront un jour intégralement accessibles. J'ai simplement voulu garder quelques traces écrites d'un certain nombre de points, qui m'ont particulièrement accroché. Dans un esprit "mise au propre de mes notes", en reprenant parfois les termes même des conférenciers. Je me limiterai ici aux trois présentations formant le coeur théorique du premier point mentionné ci dessus, savoir dans l'ordre  : celles d'Etienne Klein, de Jean Paul Delahaye et de Gilles Cohen-Tannoudjii.

Aujourd'hui 27 janvier, les vidéos de la conférence sont effectivement accessibles sur le site de Gilles Cohen-Tannoudji.

mercredi 1 octobre 2014

Interférométrie atomique et mesures de précision. Billet N° 10

Le Lundi 1er Septembre 2014,  lors de sa réunion de rentrée, l'AEIS  recevait Noël Dimarcq, pour l'écouter sur les principes et diverses utilisations de l'interférométrie atomique. Son exposé élargissait le propos de Christophe Salomon, présenté lors de la séance du 2 juin, consacré spécifiquement à la mesure du temps et aux horloges atomiques. Tout en revenant sur ce thème, Noël Dimarcq a traité de l'interférométrie atomique dans d'autres contextes de mesure et rappelé les contextes théoriques et pratiques, auxquels les performances de précision atteintes pouvaient s'appliquer.

Dans tout exposé scientifique, apparaissent toujours une part explicite, la surface pourrait-on dire, constituée des choses dites ou présentées sur les transparents ; et un arrière-plan implicite, un background de connaissances et de références non formulées. Cet arrière-plan est supposé connu des auditeurs ou, sinon, jugé par le conférencier non essentiel à la compréhension du message qu'il veut transmettre. Chaque séquence du discours est en somme comme une porte semi-entrouverte vers une  un espace, un domaine de connaissances dont l'auditeur devine plus ou moins les contours, en fonction de sa propre expérience. La rédaction d'un résumé ou d'un "compte rendu" fournit l'occasion pour son auteur de mener une première exploration de cet espace, afin d'en approcher au moins partiellement le contenu. 

Dans ce résumé, j'ai donc - n'étant en aucune façon familier de ces domaines de recherche - pris cette attitude, en m'attardant sur quelques aspects qui ont retenu mon attention, à partir de références bibliographiques accessibles. Je les citerai dans leur contexte. J'ai, en particulier, voulu mieux m'approprier et essayer de restituer le raisonnement quantique des superpositions d'états dans le contexte des fontaines à atomes froids et des capteurs inertiels. J'ai aussi porté une attention particulière à la discussion qui s'est déroulée en fin de réunion.

Les diapositives de l'exposé du conférencier, ainsi que la présente analyse sont accessibles dans le bulletin mensuel n° 187 de l'AEIS

à

vendredi 27 juin 2014

Rémy Lestienne et l'Emergence, II (Billet N° 9)

Suite à l'exposé de Rémy Lestienne devant la commission de Cosmologie de la SAF le 17 mai 2014, j'ai abordé, dans mon billet du 8 juin 2014 (billet N° 8) la problématique de l'Emergence en Physique. Je poursuis maintenant mon propos, en revisitant le second volet traité par Rémy Lestienne,  à savoir,  l'Emergence dans les Sciences du Vivant et les Sciences du Cerveau.

La relecture de mes notes et du texte même de l'exposé, mis en ligne sur le site de la SAF, m'amène  en effet à compléter ce billet précédent ; focalisé sur l'Emergence en Physique, je n'ai pas assez prêté attention au fait que Rémy Lestienne a centré la majeure partie de son discours sur ce second volet, biologique et cognitif. Il a avancé, en les détaillant, des exemples concrets : travaux de Craig Venter et reconstruction de l'ADN d'une bactérie vivante, interprétations d'images par le cerveau, travaux de Robert Sperry sur les capacités cognitives et les états de conscience chez des patients "commissurotomisés", c.a.d. ayant du subir une opération, à l'issue de laquelle les deux hémisphères du cerveau sont déconnectés.

Je reprends donc ici le fil de mon résumé "augmenté", toujours avec le souci d'entrer dans les références, pour mieux comprendre les développements présentés.


dimanche 8 juin 2014

Rémy Lestienne et l'Emergence, I

Lors de sa réunion du 17 mai 2014, la commission Cosmologie de la SAF recevait Rémy Lestienne. pour l'écouter sur la notion d'émergence. Directeur de Recherche (actuellement émérite) au CNRS, Rémy Lestienne a été successivement physicien puis neuro-biologiste. A coté de publications spécialisées, il est l'auteur de plusieurs ouvrages dans lesquels les thèmes de l'émergence, mais aussi du temps - temps physique, temps biologique, temps subjectif - occupent une place importante.

La SAF a rendu l'exposé de Rémy Lestienne accessible sur la toile. Mon propos est ici, non pas d'en faire un résumé exhaustif, mais d'en reprendre quelques points essentiels, en essayant de clarifier certaines interrogations. Avant d'entrer dans le sujet, je veux souligner l'intérêt que j'ai pris à cet exposé, par les références qui ont été données et l'accent porté sur des questions touchant à la nature de la Science.

Une introduction sous l'angle de l'histoire des sciences


La manière dont Lestienne a commencé son exposé a pu surprendre. Il l'a placé en effet d'emblée dans le cadre d'un débat de philosophie des Sciences, en parlant de réductionnisme et d'émergentisme, en retraçant brièvement l'histoire de ces deux notions, et en annonçant un parti-pris clair en faveur de la seconde.

Et de décrire un mouvement de balancier, alternant les faveurs sur l'une puis sur l'autre de ces conceptions de la manière dont on peut parvenir à comprendre (partiellement) notre univers : Lestienne a évoqué brièvement Aristote et une certaine tendance émergentiste, et Descartes, clairement (?) réductionniste. Puis il s'est attardé sur le mouvement des idées au XXème siècle, pour affirmer que le regain de faveur de l'émergentisme tirait en partie son origine des avancées des sciences physiques, et se trouvait renforcé par les recherches sur l'apparition de la Vie et les sciences du cerveau. Ces trois domaines scientifiques ont ensuite structuré son exposé.

Bien sûr, cette introduction s'est accompagnée d'une définition générale de l'émergence, comme apparition soudaine - dans l'Univers - de qualités nouvelles,  de propriétés non attendues, voire non explicables. Mais peut-être que devant un public tel que le nôtre, passer un moment sur un exemple concret et simple eut pu mieux faire percevoir les enjeux du débat et permettre une meilleure discussion.

Le présent billet est centré sur la problématique de l’émergence en Physique, et sur ce que j’ai pu saisir de ses enjeux méthodologiques. Les autres domaines abordés par Lestienne feront l’objet du prochain billet.

vendredi 23 mai 2014

Marc Lachieze-Rey : Du Temps à l'Espace-Temps, Discussion

Dans mon dernier billet  j'ai restitué ce que j'avais retenu de la conférence de Marc Lachieze-Rey, tenue lors de la réunion mensuelle de l'AEIS, le 5 mai 2014. Conférence intitulée "Du Temps à l'Espace-Temps", consacrée aux transformations de notre conception du Temps.

Ainsi que je l'annonçais, la discussion suscitée par l'exposé du conférencier s'est articulée, me semble-t-il, autour de quatre points :
    • La notion d'évènement
    • Physique et Géométrie
    • Irréversibilité, flèche du Temps, statut du temps cosmique
    • Espace-Temps hors de la Physique.
    Je reprends ici ces différents points. Certains éléments n'ont été évoqués que très brièvement. J'ai éprouvé le besoin de les replacer dans un contexte élargi, et sans hésiter parfois à faire part de mes propres interrogations. Pour ce faire, les ouvrages déjà cités dans le premier billet m'ont servi d'appui. J'y rajouterai deux cours consacrés à la cosmologie et à la Relativité générale, savoir : 
    • Yannick  Mellier, Cours de Cosmologie, Observations, modèles d'Univers et paramètres cosmologiques. Institut d'Astrophysique de Paris, février 2009
    • Eric Gourgoulhon, Relativité générale, Cours M2. Observatoire de Paris, 2010

    La notion d'évènement.


    Une courte discussion sur cette notion a démarré avec une remarque d'un des participants en cours d'exposé, s'assurant que M.L-R parlait d'évènements ponctuels. La réponse fut positive. Mais non sans une certaine hésitation, me semble-t-il, amenant le conférencier à parler d'évènement "virtuel", pour désigner les points de l'Espace-Temps où il ne se passe rien. Mais qu'est-ce qu'un évènement ?

    Wikipédia, dans l'article événement, assimile, dans le contexte de la théorie de la Relativité, cette notion comme "un point dans l'Espace-Temps". Ce qui clôt le débat, peut être trop rapidement. Quant aux autres acceptions en Sciences, le même article renvoie à un changement substantiel dans la valeur d'une grandeur intervenant dans un intervalle de temps bref à l'échelle de l'expérience. Et plus largement un fait aux conséquences importantes.  L'image qui vient parfois aussi à l'esprit est celle d'une rencontre, la rencontre de deux trajectoires, le point d'intersection de deux lignes d'univers : la fusion de deux galaxies, le rendez vous de deux amis place Saint Michel et la collision de deux protons au LHC.

    La discussion sur ces questions n'a pas repris à la fin de l'exposé. Il serait intéressant - me semble-t-il - d'en poursuivre le cours, afin d'éclaircir nos idées sur la relation entre la notion d'évènement et celle de point dans l'Espace-Temps :

    1) Qu'est ce qu'un évènement ? Entre les deux notions, celle d'évènement et celle de point dans l'Espace-Temps, quelle est la plus fondamentale ? Et s'il s'avérait qu'il faut donner une priorité à l'évènement, comment le définirait-t-on ? je me hasarde : l'élément commun minimal qui apparait dans les différentes acceptions de ce terme d'évènement, est la constatation d'un changement : un évènement manifeste que quelque chose s'est modifié. Parler ainsi suppose en arrière-plan l'écoulement d'un temps, mais peut être est-il possible de s'en abstraire. Dire par exemple qu'une certaine grandeur (taille, forme, température...) mesurée le long de la ligne d'univers d'un certain objet, n'est pas constante ; et que cette "non-constance" la transforme effectivement - du point de vue de cette grandeur - en une séquence d'évènements.

    Dans cette perspective, quelle(s) grandeur(s) peut-on considérer pour apprécier les évènements que subit un objet ; à priori, non pas sa position, à savoir ses quatre coordonnées spatio-temporelles, s'il est animé d'un mouvement libre ; nous savons en effet que dans cette condition aucun changement physique interne ne se manifeste comme conséquence de ce mouvement (cf. principe de relativité). Mais par contre,  peuvent être utilisées comme grandeurs les distances qui le séparent d'autres objets, mesurées à partir du signal qu'il reçoit d'eux (et qui sont donc dans son passé) ; et aussi ses grandeurs physiques internes, liées à ses degrés de liberté, sa température par exemple.

    2) la notion même de point. La naissance d'une étoile sera vue comme un évènement ponctuel par les cosmologistes étudiant l'émergence des grandes structures de l'univers, et comme un long processus par les astrophysiciens étudiant en détail la formation des systèmes stellaires. Le caractère ponctuel d'un évènement est bien relatif : il dépend des "résolutions" spatiales et temporelles avec lesquelles cet évènement est observé.  Or dans la théorie de la Relativité, cet aspect disparaît ou plutôt est considéré comme relevant de l'échelle d'appréciation et de modélisation des phénomènes. Et la réalité d'évènements de taille spatiale et temporelle infinitésimale est admise. Mais cette réalité, on le sait, peut être questionnée. Ces problèmes, liés à la convergence entre Relativité générale et Physique quantique, étaient hors du champ de l'exposé et n'ont pas été abordés.

    Physique et Géométrie


    Il existe pourtant bien un "étalon" de mesure du temps. Cette remarque a été faite en tout début de discussion. Rappelons qu'étalonner une horloge, c'est faire en sorte que la durée d'une seconde, sur cette horloge, corresponde à la "seconde étalon", telle que définie dans le Système International d'unités. La seconde étalon, on le sait, est depuis 1967 un certain multiple de la période du rayonnement qui résulte de la transition entre deux niveaux d'énergie de l'atome de Césium 133. Concrètement, le temps atomique international (TAI) est une moyenne des indications obtenues à partir d'un ensemble d'horloges atomiques, réparties dans différents laboratoires.

    Si je place la remarque sur l'étalon de temps sous le titre générique de Physique et Géométrie, c'est qu'elle sous-tend - me semble-t-il - une question que l'on peut effectivement se poser. Car nous sommes confrontés à deux notions du temps écoulé :
    •  une notion pratique :  celle  d'une horloge atomique - système physique concret - affichant la progression d'une certaine grandeur, savoir le nombre de secondes écoulées depuis sa mise en route. 
    • une notion théorique, assimilant le temps écoulé à une grandeur géométrique, savoir la longueur d'une portion de la ligne d'univers de l'objet transportant l'horloge ; longueur calculée dans la métrique de l'Espace-Temps, métrique qui dépend elle même du champ de gravitation ambiant.
    Alors, par quel "miracle", le temps (propre) écoulé t affiché par l'horloge se trouve t-il mesurer la longueur s de la portion de ligne d'univers associée ?  Après tout, on pourrait imaginer une relation plus complexe entre les nombres t et s : par exemple, une relation manifestant un certain dérèglement aléatoire de l'horloge, le temps mesuré t tantôt avançant, tantôt reculant, par rapport au "vrai" temps propre s.

    On s'en doute, la réponse à une question de ce type se trouve dans la cohérence entre observations et théorie : la théorie est ici la Relativité, portant en avant les structures d'Espace-Temps et de métrique, et  donnant une interprétation du comportement des horloges. La cohérence réside dans le fait que, dans les multiples observations qui ont pu être faites, cette interprétation n'a jamais été mise en défaut.

    Mais cette réponse épuise-t-elle la discussion ?

    Irréversibilité, Flèche du temps, temps cosmique


    Un participant a fait remarquer qu'on n'avait pas encore parlé de la flèche du Temps. Sa remarque a initié une discussion assez longue, laquelle s'est concentrée sur les questions d'irréversibilité, avec leur arrière-plan thermodynamique, l'inévitable croissance de l'entropie.

    Mais avant d'aborder ce thème,  je reviendrai sur un point qui n'a été que très brièvement évoqué par le conférencier, celui du temps cosmique

    Beaucoup d'entre nous ont entendu parler d'un âge de l'Univers, environ 14.7 milliards d'année, de l'âge du système solaire, de celui de la Terre, etc. De telles expressions laissent penser qu'il existe bien malgré tout un temps absolu, permettant de dater différents évènements cosmiques, postérieurs au "Big Bang". Et toute consultation rapide des équations de l'expansion de l'Univers, dans les ouvrages de Cosmologie,  fait apparaître un t représentant un temps, dont on a envie de comprendre le statut. 

    Quel est donc ce temps cosmique ? Peut-on le considérer, au moins en première approximation, comme le temps propre d'un quelconque observateur ?

     Temps cosmique dans un univers parfaitement isotrope et homogène.


    La réponse à la question repose sur les conséquences d'une hypothèse centrale de la Cosmologie actuelle. Hypothèse appelée principe cosmologique. Ce principe s'appuie sur deux éléments :
    1.  un fait d'observation ; lorsque nous regardons le ciel, toutes les directions se ressemblent, nous paraissent équivalentes : aucune de ces directions ne laisse voir en moyenne - et après correction de certains biais - des structures qui seraient spécifiques à l'une d'entre elles : par exemple, une région du ciel significativement plus dense que les autres. Nous disons alors qu'autour de nous, l'espace est isotrope. Ce fait d'observation pourrait bien sûr un jour être infirmé par des observations plus précises ; mais jusqu'à présent, malgré des progrès fantastiques dans la finesse et la profondeur de ces observations,  il n'a jamais été mis en défaut.
    2. une hypothèse, celle qu'il en est de même pour tout observateur, quel qu'il soit. Si nous pouvions communiquer avec un extra-terrestre, même très lointain, il nous ferait part de la même constatation. On dit que l'espace est homogène
    Le principe cosmologique a permis aux chercheurs d'écrire la métrique et les équations de la dynamique globale de l'Univers, en injectant dans les formules de la Relativité générale les simplifications inhérentes à ce principe. L'expansion de l'univers est - dans cette métrique et cette dynamique simplifiée - vue comme celle d'un fluide restant uniformément réparti dans un espace qui se dilate. 

     On peut alors imaginer des observateurs attachés à ces particules de fluide, autrement dit immobiles par rapport à la matière qui les entourent. De tels observateurs suivent alors le mouvement de ce fluide ; on conçoit bien que dans ces conditions d'uniformité ils vivent tous la même histoire : il n'y a pas de raison pour que leurs temps propres respectifs soient différents. Ce temps propre commun à tous ces observateurs fondamentaux constitue le temps cosmique.

    En termes géométriques, l'Espace-Temps conforme au principe cosmologique possède une métrique particulière, dite FLRW, des initiales des scientifiques qui l'ont découverte dans les années 1920, avec parmi eux l'astrophysicien belge Frédéric Lemaître. Il possède bien une structure feuilletée : les feuilles représentant chacune un espace en trois dimension, s'accrochent au temps t sur le tronc temporel commun et unique du temps cosmique.  

     Temps cosmique dans l'univers réel.


    Mais l'Espace-Temps décrit par les équations FLRW n'est qu'une approximation de l'Espace-Temps réel. Le principe cosmologique n'exclut pas des variations locales, il n'impose qu'une uniformité statistique. La répartition quasi-uniforme du fluide cosmique, supposée celle des premiers temps, se transforme nécessairement - sous l'effet de la gravitation - en une distribution de matière présentant des différences de densité de plus en plus accentuées, pour aboutir à l'émergence de grandes structures hébergeant la majorité des galaxies.

    Certains des "observateurs fondamentaux" évoqués précédemment, attachés à la matière locale et suivant donc son mouvement, se retrouvent en conséquence, "au bout d'un certain temps", dans des espaces relativement vides, et d'autres au contraire dans des espaces très denses. Ils ne "vivent" plus la même intensité gravitationnelle, bref ne vivent plus la même histoire.  Leurs temps propres respectifs ne sont donc plus synchronisés.

    Imaginons que les observateurs fondamentaux aient pu synchroniser leurs horloges respectives alors que la répartition du fluide cosmique était encore très uniforme. Cette synchronisation va subsister pendant un moment, mais des différences vont se faire jour et grandir peu à peu : les horloges des uns vont avancer, celles d'autres retarder, ces avances et ces retards restant globalement répartis au
    hasard,  conformément au principe cosmologique toujours en vigueur.

    Pour cerner précisément cette répartition des avances et des retards de temps propre entre observateurs, il faut choisir, sur leurs lignes d'univers respectives, les points où les horloges sont consultées. Des considérations géométriques -  techniquement l'existence d'espaces "orthogonaux" à ces lignes d'univers, cf le schéma ci-après - permettent de faire ce choix : les points choisis se situent à l'intersection des lignes d'univers et de ces espaces orthogonaux

    Chacun de ces espaces - qui ne se recoupent pas, hors cas particuliers - est donc associé à un ensemble bien défini de valeurs de temps propre écoulé, lues sur les horloges : on peut alors, sur cet ensemble, faire diverses statistiques : moyenne, écart-type, valeur maximale et minimale. J'ai cru comprendre, mais c'est à valider, que la valeur atteinte du temps cosmique était justement cette valeur maximale, en fait celle d'un observateur qui globalement, depuis le début, s'est trouvé dans les conditions de gravitation les moins intenses et donc dans les régions les moins denses.

    Temps cosmique : Schéma de l'articulation lignes d'univers/espaces orthogonaux

    Flèche du temps et irréversibilité

     
    Dans la structure géométrique d'Espace-Temps présentée ci dessus, les espaces orthogonaux se classent sans ambiguïté les uns par rapport aux autres, du passé vers le futur ; cet ordre total reflète l'orientation commune des différentes lignes d'univers utilisées dans leur construction. Tel que défini, le temps cosmique se modifie, d'un espace A à un espace B situé dans son futur, en progressant de la valeur maximale sur A à la valeur maximale sur B et donc, mathématiquement, ne peut qu'augmenter.

    Si je ne fais pas d'erreur, cette structure géométrique, et ses conséquences sur le temps cosmique, représente bien la dynamique de notre univers en expansion, et donc fonde une flèche du temps. Notons cependant que M.L-R a évoqué lors de la discussion la possibilité théorique, pour des lignes d'univers,  de boucler sur elles mêmes - formant ainsi des boucles temporelles. Selon M.L-R, et contrairement à ce que l'on pense spontanément, aucun paradoxe logique ne surgit. Mais la possibilité physique de tels univers est néanmoins discutée.

    S'il en est ainsi, nous voilà bien devant deux notions de flèche du temps :
    • la flèche du temps qui vient d'être évoquée, de nature cosmologique, sous-tendant l'histoire de l'univers sur des milliards d'années.
    • la flèche du temps à notre échelle, celle par exemple qui nous fait naître, vivre et mourir, sans possibilité de retour en arrière. La flèche du temps qui désorganise un "système fermé" de l'ordre vers le désordre, en augmentant irrémédiablement son entropie.
    Une question vient alors immédiatement à l'esprit, celle de l'existence d'une relation intime entre ces deux "flèches ". Elle a bien été abordée dans la discussion, mais d'une manière rapide et un peu elliptique, en référence à diverses démonstrations de la croissance nécessaire de l'entropie.

      Bref rappel : la notion d'entropie


    La croissance de l'entropie d'un système matériel isolé exprime le sens dans lequel peut évoluer ce système, soumis à des contraintes macroscopiques déterminées - par exemple rester enfermé dans un récipient de volume donné : l'évolution l'amène inévitablement à cheminer de configurations moins probables vers des configurations plus probables ; les configurations dont il s'agit ici sont des ensembles bien définis d'états microscopiques, des régions dans l'espace de ces états ; par état microscopique, il faut entendre une description complète du système dans ses moindres détails, sans omettre aucune des possibilités dans lesquelles il peut se présenter au monde (ses degrés de liberté). L'état microscopique d'un certain volume de gaz comprendra ainsi la position et la vitesse de chacune de ses molécules. 

    Un exemple souvent donné, pour faire mieux saisir l'entropie - présenté ici d'une façon sommaire - est le suivant : on considère un gaz enfermé dans un récipient, et on compare les probabilités de deux configurations : celle dans laquelle le gaz occupe la totalité du récipient ;  celle où il occupe une certaine moitié délimitée à priori. La probabilité qu'une molécule déterminée de ce gaz  se situe dans cette moitié est évidemment 1/2 = 0.5. La probabilité que l'ensemble des N molécules soient regroupées dans cette même moitié est 0.5 à la puissance N : le nombre des molécules étant très grand - plusieurs milliards - cette deuxième probabilité sera"ridiculement faible".

    La physique classique - contrairement à la physique quantique - décrit les interactions entre molécules du gaz - les chocs entre molécules - de façon déterministe : dans ces conditions, le cheminement de ce gaz, à travers l'ensemble de ses états microscopiques possibles, ne comporte aucun aléa. Mais à cause de la multiplicité des interactions à l'oeuvre et de leur indépendance statistique, ce cheminement apparaît en fait comme une marche au hasard. On conçoit bien alors que le gaz, ne subissant dans son évolution aucune direction imposée à priori, a toute chance de rester peu de temps dans des configurations très peu probables, et qu'il passera au contraire  le plus clair de son temps dans les configurations dont la probabilité est quasiment égale à 1.

    L'impossibilité de "retour en arrière", l'irréversibilité de l'évolution, apparait alors plutôt comme une "improbabilité".  Elle reste cependant  théoriquement possible : considérons l'état microscopique du gaz - savoir je le rappelle  les positions et vitesses de toutes ses molécules -  qui est atteint à un moment donné ; imaginons alors une expérience de pensée, dans laquelle on considère l'état microscopique opposé, obtenu avec les mêmes positions mais en inversant la direction des vitesses, aucune autre modification n'ayant par ailleurs été faite, ni dans le récipient, ni à l'extérieur. La mécanique individuelle des molécules étant supposée réversible, il se produira bien dans ces conditions un retour en arrière, le gaz suivant exactement le chemin inverse de celui emprunté à l'aller. 

    Mais en pratique, un tel retour en arrière ne se constatera jamais : 
    • l'état opposé considéré,  celui qui conduit au retour en arrière, constitué des valeurs exactes des positions et des vitesses des milliards de molécules, n'a qu'une chance infinitésimale de se rencontrer spontanément à priori
    • La seule manière de rencontrer cet état opposé est de le préparer - i.e. de le construire, par une intervention utilisant un quelconque procédé physique. Outre le fait qu'un tel procédé n'existe pas nécessairement, on peut penser qu'il ne réussirait pas à une reconstruction parfaite ;  l'évolution ultérieure du gaz ne suivra pas la voie étroite espérée, le ramenant à sa configuration initiale. Elle aura toute chance au contraire de suivre la ligne de croissance entropique, vers des configurations hautement probables.

    De l'entropie locale à l'entropie de l'univers 


    Les raisonnements précédents ne sont qu'une toute première approche des notions d'entropie et d'irréversibilité, beaucoup de questions subsistent qu'il serait hors de propos de développer ici. Les discrétisations des états possibles et divers aléas,  introduits par la physique quantique, interfèrent en outre dans cette problématique. Mais, si j'ai bien compris (cf les explications avancées par Roger Penrose dans le livre cité au billet précédent, pages 665-711), la cohérence de la notion d'entropie exige 1) que l'on puisse parler de l'entropie de l'univers ; 2) que l'univers obéisse lui aussi au second principe de la thermodynamique, savoir une augmentation continuelle de cette entropie depuis le "Big Bang", et l'irréversibilité de son évolution.

    De fait, les "transferts d'entropie" se font jour sur des échelles auxquelles on ne pense pas nécessairement, au vu des exemples de thermodynamique donnés habituellement. R. Penrose donne ainsi l'exemple des transferts d'entropie entre le Soleil, la Terre et l'espace : la Terre, reçoit du Soleil une énergie de faible entropie - et restitue dans l'univers une énergie égale - puisque la Terre est en équilibre thermique - mais d'entropie plus élevée ; le rayonnement du soleil dans le domaine du visible est en effet plus concentré en fréquence que le rayonnement infrarouge rejeté. La perte d'entropie qui en résulte pour la Terre serait une condition nécessaire de l'émergence du vivant sur notre planète et aussi de son maintien.

    La question se pose alors de savoir comment définir cette entropie de l'univers aux différentes étapes de son existence. Une part de cette entropie est contenue dans la matière ordinaire, sa localisation dans l'espace, les températures et les mouvements qui l'animent. Mais d'autres composantes entrent en jeu :  la part de l'entropie contenue dans la lumière, mais aussi celle contenue dans les structures géométriques de l'Espace-Temps, la gravitation, les trous noirs. Aussi bien, l'explication de la faiblesse - nécessaire à l'application du second principe - de l'entropie de l'univers à ses débuts n'est elle pas du tout simple.

    La discussion amorcée par les participants sur ces questions fondamentales et complexes n'a pu se poursuivre. Il serait intéressant - c'est une suggestion que j'avance - d'organiser une des réunions mensuelles de l'AEIS autour de ce thème, avec un conférencier spécialisé.

    Espace Temps hors de la Physique


    Le tour de table effectué lors de la discussion a donné la parole à des personnes impliquées dans des disciplines ou des activités très diverses.

    Une première remarque a été faite, dans un registre interdisciplinaire. Elle comparait la difficulté de définir la Vie - thème abordé lors du colloque organisé par l'AEIS  en février 2014 - à la difficulté de définir le Temps. Peut-être cette remarque sous-tendait-elle une question explicitée lors de ce colloque, savoir la question de l'utilité des définitions abstraites : plutôt que de s'acharner à élaborer de telles définitions, faisait remarquer un participant, n'est-il pas peut-être plus directement productif d'étudier les propriétés empiriques des notions concernées ?

    Un autre des points soulevés se résume bien dans cette interpellation soulevée par une participante, "et l'humain dans tout ça ?".

    Que peut-on faire, quelle leçon tirer dans notre vie de ces nouvelles conceptions du temps ? Plus largement, sont-elles utiles aux autres disciplines scientifiques ? Les opinions des participants semblent partagées : les uns pensent que non et que leur unique domaine d'application est la Physique et les techniques qui lui sont liées ; d'autres, comme le conférencier, pensent que oui : M.L-R a ainsi mis en pratique cette conviction en collaborant à des réflexions inter-disciplinaires, dans des domaines - comme la géologie, la paléontologie - où le temps, les procédures de datation, l'analyse de l'ordre des évènements, jouent un rôle important. Personnellement j'ai exprimé l'idée que les points de vue sur l'univers apportés par les sciences, leurs avancées et leurs questionnements, devraient irriguer davantage la culture de tous.


    Les échanges en sont restés là.

    mercredi 14 mai 2014

    Marc Lachieze-Rey : du Temps à l'Espace-Temps

    Ce Lundi 5 mai, l' AEIS, lors de sa réunion mensuelle, recevait l'astrophysicien Marc Lachieze-Rey. Pour l'écouter sur un thème sur lequel il a beaucoup travaillé : celui du Temps.

    Le Temps : il s'écoule, et nous entraîne. On le mesure. La mesure du Temps est actuellement une des plus précises qui soit. L'évolution de cette précision est proprement fantastique, comme le rapporte un texte récent (Christophe Salomon, IHP, 2010) : Au XVII siècle, les meilleures horloges pouvaient présenter un décalage de l'ordre de 10 secondes par jour ; au début du siècle actuel, le décalage d'une horloge "optique", pour la même durée d'un jour est de l'ordre de la picoseconde, soit un millième de milliardième de seconde. Mais que mesure t-on exactement

    L'idée que l'on peut avoir du Temps varie selon les disciplines. L'exposé du conférencier (ci-après désigné par M. L-R) concerne la conception du Temps vu de la Physique et les grandes ruptures qui ont marqué son histoire. Mais la connaissance des changements majeurs que ces ruptures ont provoqués doit-elle rester réservée au cercle des physiciens concernés, essentiellement ceux de l'infiniment petit et de l'infiniment grand ? C'est une des questions sous-jacentes de cet exposé passionnant et qui a ressurgi dans la discussion.

    Dans son introduction, M. L-R a posé les termes de la thèse qu'il allait développer :
    • le Temps, comme concept de la Physique, est apparu avec Newton, il a disparu avec Einstein.
    • les propriétés associées à ce concept n'ont cependant pas toutes disparues dans cette révolution. 
    Une riche discussion a eu lieu, dont je regrouperai les éléments en quatre chapitres :
    • La notion d'évènement
    • Physique et Géométrie
    • Irréversibilité, flèche du Temps, statut du temps cosmique
    • Espace-Temps hors de la Physique.
    Dans l'esprit général de ce Blog, ce résumé s'adresse aussi à ceux qui, parmi mes proches, s'intéressent à ces sujets. C'est pourquoi je ne me limite pas strictement aux seuls propos tenus lors de la réunion de l'AEIS et j'ai sur certains points essayé de donner quelques arrière-plans. Dans ce résumé "augmenté",  je me suis appuyé notamment sur deux ouvrages qui ont beaucoup de points communs à la fois dans le public qu'ils visent et dans leur propos : 
    • Marc Lachièze-Rey, Au delà de l'Espace et du Temps. La nouvelle physique. Editions Le Pommier 2008
    • Roger Penrose, A la découverte des Lois de l'Univers, La prodigieuse histoire des mathématiques et de la physique. Editions Odile Jacob Sciences, 2004.

    jeudi 1 mai 2014

    Formation des grandes structures de l'Univers. Introduction aux instabilités gravitationnelles, II

    Ce billet est le second d'une série consacrée au développement des instabilités gravitationnelles, dans le contexte cosmologique de la formation des grandes structures de l'Univers. Le premier billet traitait - à titre de point de départ - d'une version simplifiée de la dynamique spatialisée d'un fluide compressible soumis aux seules forces de pression ; dans le second billet, mon intention était primitivement d'introduire l'élément majeur que sont les forces de gravité ; puis à partir de là, de placer ce fluide et sa dynamique dans un espace en expansion. 

    A la réflexion, j'éprouve le besoin d'assurer davantage mes arrières dans l'exploration entreprise, avec  plusieurs motivations : mieux éclairer la structure et le sens des équations concernées ; préciser les liens avec la thermodynamique et la théorie des ondes sonores. Très vite en effet apparaissent des considérations sur le caractère adiabatique ou isotherme des transformations du fluide, ainsi que sur le rôle de la vitesse du son...


    dimanche 6 avril 2014

    Formation des grandes structures de l'Univers. Introduction aux instabilités gravitationnelles, I

    J'ouvre ici une série de " billets " autour d'un chapitre de la Cosmologie centré sur la formation des grandes structures de l'Univers et, plus spécifiquement, sur le développement des instabilités gravitationnelles qui préside à cette formation. Ce sujet est d'actualité depuis quelques décennies : il est en effet au coeur du lien entre les paramètres fondamentaux de l'expansion de l'Univers et les caractéristiques statistiques des structures observées dans la population des galaxies.

    Je souhaite entreprendre pour moi même, et dans le même temps faire partager, une démarche qui amène, pas à pas, à comprendre les problèmes posés, les concepts et outils mis en oeuvre, les résultats obtenus. Mon propos est d'exposer, tel qu'il se déroule en temps réel, les anglais diraient " live ", mon propre cheminement d'appropriation personnelle de ce domaine scientifique précis . Mais j'espère que cet effort de rédaction aidera des lecteurs - disposant de connaissances de base et sciences physiques et en mathématiques - dans leur propre exploration du même thème.

    La tentation, lorsque l'on débute ce type de rédaction, c'est de l'inscrire dans un plan préparé à l'avance. C'est précisément ce qu'on est capable de faire après coup, lorsqu'on a bien exploré le domaine, et que l'on en maitrise la géographie. Mais lorsqu'on veut rendre compte de l'exploration elle même, telle qu'elle se déroule, cette inscription cartésienne n'est pas possible. La seule chose que je sais à l'avance, est que le sujet est complexe : plusieurs entrées sont possibles, des modèles simples s'avèrent utiles dans un premier temps mais doivent être progressivement modulés et enrichis.  Et des retours en arrière, des corrections rétrospectives ne sont pas à exclure, s'avèreront même partie normale du processus. Alors, ouvrons la barrière, franchissons la frontière, et avançons lentement, pour le moment. 

    Les sources


    Je travaille sur ces questions à partir de plusieurs documents, cours du Master Astrophysique de l'Université Pierre et Marie Curie, Ouvrages, Articles publiés dans les revues concernées. Je les citerai au fur et à mesure, mais je mentionne dès à présent deux ouvrages :
    • Patrick Peter et Jean-Philippe Uzan. Cosmologie primordiale. Editions Belin, 2005
    • Francis Bernardeau. Cosmologie, Des fondements théoriques aux observations. EDP Sciences/CNRS Editions, 2007
    Comme le montre un rapide coup d'oeil sur ces documents, il s'agit d'ouvrages destinés à des étudiants et chercheurs au fait des formalismes mathématiques et méthodes d'analyse utilisés en Cosmologie. Il s'agira donc au bout du compte, de dégager l'architecture des raisonnements, sans rompre toutefois le lien avec le soubassement technique, mais en le plaçant en arrière plan. Une sorte de changement d'échelle en quelque sorte, maintenant constamment la possibilité de zooms vers les développements détaillés.


    jeudi 27 mars 2014

    AEIS 2014 : Systèmes stelllaires et planétaires, 2 (seconde journée)

    Notes prises lors du Colloque 
    organisé par 
     
    La seconde journée du colloque, « Formation des systèmes stellaires et planétaires et conditions d'apparition de la vie » a été centrée sur ce dernier aspect. Ont été abordés plusieurs thèmes : Grandes époques de l'Histoire de la Terre et premières manifestations de la vie. Grandes divisions du Vivant et problématique de l'Ancêtre commun. Adaptations aux conditions extrêmes. Approches expérimentales du passage de l'Inerte au Vivant. Et d'autres points encore, comme les propriétés particulières de l'eau liquide, les processus de croissance et la genèse des formes. Dans le même esprit que le billet précédent, j'essaye d'en reprendre ici quelques éléments.

    mercredi 26 mars 2014

    AEIS 2014 : Systèmes stellaires et planétaires, 1 (première journée)

    Notes prises lors du Colloque 
    organisé par 


    J’ai eu la chance de pouvoir assister les 5 et 6 février 2014, à un séminaire sur la formation des systèmes stellaires et planétaires, et les conditions d’apparition de la vie. Ce séminaire s'est déroulé à l’Institut Henri Poincaré, haut lieu des mathématiques françaises, et mondiales... Il était organisé par une association nommée «Académie européenne interdisciplinaire des sciences», association qui organise tous les deux ans, sur des thèmes impliquant l’interdisciplinarité, de chouettes conférences. Le public était mi-professionnel mi-grand public, ce qui est une configuration intéressante. Les exposés seront peut-être mis en ligne, je l’espère. J'en résume ici quelques points, sans être le moins du monde complet, en insistant sur ceux qui m’ont particulièrement frappé, et bien sûr sans certifier une totale exactitude dans la reprise des propos des conférenciers.

       

    jeudi 20 mars 2014

    Etienne Klein : L' Univers a t-il un instant zéro ?

    Notes prises lors de la conférence d’Etienne Klein, 12 mars 2014
    à la FIAP Jean Monnet, 
    Cycle des conférences de la Société Astronomique de France
    Certains cherchent la transcendance
    dans la méditation ou la prière ;
    d’autres la cherchent dans le service
    qu’ils rendent à leurs proches ;
    d’autres encore, qui ont la chance
    de posséder un talent particulier
    cherchent la transcendance
    dans  la pratique artistique.


    La science est un chemin alternatif
    pour qui veut se consacrer
    aux questions les plus difficiles que pose la vie.
    Lee Smolin, Rien ne va plus en physique,
    coll. Points Sciences, p 13

    Préambule : L’éthique dans les sciences.


    Lorsqu’on évoque les questions d’éthique ou de morale en science, c’est en premier lieu avec cet arrière plan que la science dit « ce qui est » et non « ce qui doit être ». Par exemple, elle dit que l’on peut  créer des OGM et comment le faire, mais elle ne dit pas si l’on doit le faire.  D’aucuns estiment que l’on ne peut en rester là et que les chercheurs doivent s’interdire de chercher dans des directions potentiellement dangereuses.

    Etienne Klein situe l’exigence éthique en sciences sur un autre plan : bien parler de ce que nous savons. Autrement dit, faire en sorte que les discours présentant les résultats obtenus par les sciences n’induisent pas dans le corps social des idées fausses ; et ne fassent pas sous-estimer les changements qu’ils apportent - ou devraient apporter - dans notre vision de l’univers et de nous mêmes.

    Etienne Klein évoque un exemple, celui du Principe d’Incertitude d’Heisenberg, avec un énoncé tel que « on ne peut mesurer simultanément de façon exacte la position et la vitesse d’une particule ». Cette formulation laisse entendre que 1) les notions de positions et de vitesses sont pertinentes à toutes les échelles et que 2) c’est notre pouvoir de connaître ces grandeurs qui est limité. Cette présentation des choses, au coeur des discussions et de l’interprétation de la Physique Quantique, est contestable. Parler de la position et de la vitesse d’un objet est tout à fait justifié et pertinent à l’échelle «macroscopique», celle de notre expérience sensible. Cela s’avère une erreur, un obstacle à la compréhension des choses, lorsqu’on veut décrire ce qui se passe dans l’infiniment petit, au niveau «microscopique» des particules élémentaires. Ce sont d’autres concepts qu’il faut alors mettre en oeuvre. C’est bien une révolution conceptuelle que la Physique quantique a introduit dans la première moitié du XX siècle. Il est du devoir, pour les acteurs de la transmission des connaissances, d’en faire prendre conscience. Et de parler de ces nouveaux concepts, de les expliquer au public, même si c’est difficile, avec le plus de clarté et pourrait-on-dire, le plus d’honnêteté possible.

     

    Pourquoi cette introduction par le biais de l’éthique ?


    Le conférencier, en introduisant sa conférence par ce rappel, avait à l’esprit le caractère pernicieux du terme de big bang. Caractère pernicieux, car ayant imposé dans un large public - Klein dit « enkysté dans la culture » l’idée d’un « début », d’un « instant zéro » de l’univers, avant même qu’une discussion - physique et philosophique - ait pu se développer.