Qui donc connaît les flux et reflux réciproques
de l'infiniment grand et de l'infiniment petit,
le retentissement des causes dans les précipices de l'être,
et les avalanches de la création ?
(Victor Hugo, Les Misérables)

samedi 14 mars 2015

Retour sur les systèmes quantiques à deux niveaux. Billet n° 15

J’ai eu l’occasion, après avoir écouté l’une des conférences données lors de la journée “La Science et l’Impossible” (PIF 14ème Rencontre) organisée en novembre 2014 à la BNF, d’étudier l’article de David Deutsch et Chiara Marletto, intitulé “Constructor Theory of Information”. La compréhension de la lettre et de l’esprit de cet article est difficile pour qui n’est pas à l’aise avec la notion d'information et les diverses interprétations de la physique quantique. Ainsi  l’un des points évoqués dans l’article concerne-t-il la discussion autour de la question localité/non localité, question sur laquelle David Deutsch et l’un de ses collègues défendent des positions “non conventionnelles”.

Pour mieux rendre compte de l’article Deutsch/Marletto, il m’est de toute façon nécessaire de disposer d’un plus large arrière-plan théorique. J’ai choisi d’étudier de plus près certains objets quantiques basiques, à partir des systèmes à deux niveaux et plus spécifiquement à partir de la notion de quantum bit. Mes sources principales dans ce billet sont deux ouvrages, savoir : 

  1. Roger Penrose, “A la découverte des lois de l’Univers”, editions Odile Jacob 2007, chapitres 22 (en particulier pages 535-540) et 29 (pages 760 et suivantes) 
  2. Claude Cohen-Tannoudji, Bernard Diu, Franck Laloë, “Mécanique Quantique 1” Hermann Enseignement des Sciences 1977, Chapitre IV (pages 385-400)

Le présent billet est consacré au quantum bit en tant qu’objet isolé. Dans un prochain billet j’aborderai les couplages de plusieurs “qubits”. Que mes lecteurs éventuels ne se méprennent pas : ces billets ne sont pas des “cours”. Tout au plus des notes de cours. Il s’agit pour moi, en rédigeant et parfois en (me) reformulant certains calculs ou raisonnements, d’accéder à une compréhension plus incarnée des notions abordées.

La notion de “quantum bit” (Qubit)
Any quantum ‘two-state’ system such as the spin of an electron or the polarisation of a photon can in principle be used as the physical realisation of a qubit, the basic unit of quantum information. (in David Deutsch and Patrick Hayden, Information Flow in entangled Quantum Systems. Proceedings of the Royal Society of London. Series A, 2000)


mardi 3 mars 2015

Le Vide, de Galilée à l'Energie Noire. Billet n° 14

Le 2 février 2015, lors de  la séance mensuelle de l'A.E.I.S. le professeur Jean Zinn-Justin a donné une conférence sur le thème du Vide en Physique : De la nature du vide, de Galilée à l'Energie Noire. Comme dans mon précédent billet, je reporte ici le tout début du compte-rendu que Michel Gondran et moi même avons rédigé, et dont l'intégralité est accessible sur le site de notre académie, sous la rubrique "comptes-rendus conférences mensuelles".

L'histoire de la réflexion sur l'existence et la nature du vide et sur l'existence d'un éther sert de fil conducteur à Jean Zinn-Justin pour présenter les problèmes importants de la physique d'hier et d'aujourd'hui. Nous avons largement utilisé dans ce compte-rendu les textes de ses transparents.


Exposé du professeur Jean Zinn-Justin

La question du vide a toujours interrogé. L’univers est-il “plein de vide”, ou bien encore est il rempli d’une matière invisible ? Que devient l’espace, si on lui retire toutes choses ? Au cours des âges, de nombreux philosophes ont essayé de répondre à de telles questions. Et depuis le 17 ème siècle, l’étude de nombreux faits expérimentaux, et les théories élaborées pour en rendre compte, ont apporté de nouvelles manières d’aborder le problème ; ces nouvelles approches, curieusement peut être, permettent parfois de réinterpréter les anciennes réponses, sans les effacer totalement.

Après avoir évoqué le point de vue d’Aristote, le conférencier, Jean Zinn-Justin, retrace, étape par étape, du 17 ème siècle à nos jours, le chemin mouvementé parcouru. Il termine par l’exposé du point de vue actuel des physiciens sur la nature du Vide, successivement sous deux angles : celui de la physique quantique, avec la théorie quantique des champs et celui de la cosmologie, avec la Relativité générale.

Premières approches, jusqu’au 17ème siècle.
Le vide peut-il être ?

Nous avons tous une notion intuitive du vide, au sens d’absence d’objets matériels visibles : une pièce est vide. Cependant, nous savons que tout espace vide est encore rempli d’air, un des quatre éléments avec la terre, le feu et l’eau de la civilisation grecque. En fait, la notion de vide dépend de l’état de nos connaissances : le vide est l’absence de ce que nous savons pouvoir exister ; le vide, c'est ce qui reste lorsque l'on a tout enlevé.

Aristote, “horror vacui”
On attribue à Aristote (384 BC –322 BC), sans doute à tort, l’expression “ la nature a horreur du vide (horror vacui en latin) ”. Il a aussi affirmé que “ la notion de vide est vide “. Aux quatre éléments classiques, il a prudemment proposé d’en rajouter un cinquième, l’éther ou quintessence, la substance des choses immuables comme le ciel et les astres. L’affirmation prêtée à Aristote, la nature a horreur du vide, parce qu’elle semblait correspondre à une réalité empirique a ensuite été considérée comme une vérité absolue au Moyen äge et même jusqu’à la Renaissance. 

Galilée (1564-1642), l’un des premiers à l’époque moderne, imagine l’existence du vide dans son étude de la chute des corps. Dans son ouvrage Discorsi (1638), le personnage Salviati, considéré généralement comme le porte parole de Galilée, affirme ainsi que tous les corps tomberaient à la même vitesse dans le vide.

Descartes, le vide ne peut exister.
Descartes (1596-1650) rejette lui la théorie du vide, car il n'est pas possible que ce qui n'est rien ait de l'extension (1644), autrement dit se transforme en un autre élément : ainsi, selon lui, si un vase est vide d'eau, il est plein d'air, et s'il était vide de toute substance, ses parois se toucheraient. Descartes est donc amené à rejeter les théories de Galilée sur la chute des corps dans le vide, et écrit de ce dernier : tout ce qu'il dit de la vitesse des corps qui descendent dans le vide, etc.… est bâti sans fondement ; car il aurait dû auparavant déterminer ce qu’est la pesanteur ; et s'il en connaissait la vérité, il saurait qu'elle est nulle dans le vide. Excluant en effet toute action à distance, Descartes explique la pesanteur - et donc le mouvement des planètes - par l'action de tourbillons d’éther agissant sur les corps pesants

Mais la nature a t-elle vraiment horreur du vide ? lire la suite sur le site de l'A.E.I.S.